Page:Orsier - Henri Cornelius Agrippa.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
HENRI CORNÉLIS AGRIPPA


XVI

Pendant qu’il était en prison, il reçut d’Eustache Chapuys, alors ambassadeur impérial à Londres, chargé par Charles-Quint de s’opposer au fameux divorce qui préoccupait l’Europe entière, une lettre où ce diplomate lui redemandait le concours de sa plume impétueuse pour défendre Catherine d’Aragon. Cette fois, Agrippa, qui ne sait plus que devenir, est trop heureux d’accepter. Rendu à la liberté, il s’empresse d’adresser une lettre à l’empereur qui ne lui fait aucune réponse. Il envoie d’autre part à Érasme un exemplaire de l’Incertitude et de la Vanité des Sciences et des Arts, dans l’espoir que le témoignage public d’un écrivain aussi universellement admiré et respecté pourra le mettre à l’abri d’autres persécutions ; mais le célèbre auteur de l’Éloge de la Folie lui déclare nettement « qu’il tient à vivre tranquille, que sa vie n’a été que trop agitée, et qu’il n’éprouve nullement le besoin de renouveler pour un autre des polémiques qu’il a tant de fois soutenues pour lui et ses amis, et où il n’a pas toujours eu le dessus ». Et il rappelle à ce propos la déplorable histoire de cet honnête Berguin qui fut brûlé à Paris pour avoir traduit en français un de ses ouvrages. De guerre lasse, Agrippa va consacrer sa plume à Catherine d’Aragon ; mais Eustache Chapuys ne lui en parle plus, et la proposition semble tomber d’elle-même, à moins de constater ici une lacune dans la correspondance des deux amis.

Agrippa avait un autre puissant protecteur dans le Prince-Électeur Archevêque de Cologne, auquel il avait dédié la Philosophie occulte en 1531 ; il est appelé auprès de ce prélat[1], mais on perd presque sa trace pendant ce séjour à Cologne. Ses correspondances avec le cardinal Campegi, Érasme et l’un de ses amis de Ratisbonne, Mélanchton, ne parlent que des querelles qu’il se voit obligé de soutenir contre les Théosophistes de Louvain à propos des propositions de libre-penseur contenues dans ses ouvrages[2].

Il n’a pas non plus abandonné la prétention, d’ailleurs naturelle, de se faire payer ses services d’historiographe et de bibliothécaire qu’il

  1. Une lettre d’Agrippa à Érasme, datée de Cologne, du 17 mars 1531, dit : « Je resterai encore ici un mois, puis retournerai en Brabant. » — Voir cette lettre traduite, p. 113.
  2. Apologia pro defensione declamationis de Vanitate scientiarum contra Theologistos Lovanienses, dans les œuvres comp. d’Agrippa, tome II, p. 257.