Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/111

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avec son solipsisme intellectuel et moral, perpétuellement en garde contre les duperies de l’idéalisme social et contre la cristallisation intellectuelle et morale dont toute société organisée menace l’individu. C’est, à certaines heures, un Amiel avec son stoïcisme douloureux qui perçoit la société comme une limitation et une compression de sa libre nature spirituelle. C’est un David Thoreau, le disciple outrancier d’Émerson, le « bachelier de la nature », prenant le parti de s’écarter des voies ordinaires de l’activité humaine et de devenir un « flâneur » épris d’indépendance et de rêve, « un flâneur dont chaque instant toutefois serait plus rempli de travail vrai que la vie entière de pas mal d’hommes occupés ». C’est un Challemel-Lacour avec sa conception pessimiste de la société et du progrès. C’est, à certaines heures peut-être aussi, un Tarde, avec l’individualisme teinté de misanthropie qu’il exprime quelque part : « Il se peut que le flux de l’imitation ait ses rivages et que, par l’effet même de son déploiement excessif, le besoin de sociabilité diminue ou plutôt s’altère et se transforme en une sorte de misanthropie générale, très compatible d’ailleurs avec une circulation commerciale modérée et une certaine activité d’échanges industriels réduits au strict nécessaire, mais surtout très propres à renforcer en chacun de nous les traits distinctifs de notre individualité intérieure. »

Même chez ceux qui, comme M. Maurice Barrès, répugnent, par dilettantisme et tenue d’artiste, aux