Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gique qui prononce a priori, au nom du Dogme, la condamnation de la nature humaine.

D’autre part, l’individualisme ne se sépare pas moins nettement de l’anarchisme. Si, avec l’anarchisme, il admet le principe de Humboldt comme une expression de la tendance normale et nécessaire de notre nature à son plein épanouissement, il reconnaît en même temps que cette tendance est condamnée à ne jamais se satisfaire, à cause des désharmonies intérieures et extérieures de notre nature[1]. En d’autres termes, il considère le développement harmonique de l’individu et de la société comme une utopie. — Pessimiste en ce qui concerne l’individu, l’individualisme l’est davantage encore en ce qui concerne la société : L’homme est par nature un être désharmonique, en raison de la lutte intérieure de ses instincts. Mais cette désharmonie est accrue par l’état de société qui, par un douloureux paradoxe, comprime nos instincts en même temps qu’il les exaspère. En effet, du rapprochement des vouloir-vivre individuels se forme un vouloir-vivre collectif qui devient immédiatement oppressif pour les vouloir-vivre individuels et qui s’oppose de toutes ses forces à leur épanouissement. L’état de société pousse ainsi

  1. M. Metchnikoff, malgré son optimisme, reconnaît pleinement les désharmonies de la nature humaine dans la vie morale et sociale. Il est vrai qu’il semble attendre des progrès de la science une atténuation de ces désharmonies. Voir B. Metchnikoff. Études sur la nature humaine, Essai de philosophie optimiste, p. 137 et suiv.