Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/128

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sincère et fortement senti. Et inversement ceux qui par tempérament éprouvent un impérieux besoin de vie et d’action sociale, ceux qui se lancent dans la mêlée, ceux qui ont des enthousiasmes politiques et sociaux, ceux qui croient à la vertu des ligues et des groupements, ceux qui ont sans cesse à la bouche ces mots : l’Idée, la Cause…, ceux qui croient que demain apportera quelque chose de neuf et de grand, ceux-là méconnaissent et dédaignent nécessairement le méditatif, qui abaisse devant la foule la herse dont parle Vigny. La vie intérieure et l’action sociale sont deux choses qui s’excluent. Les deux sortes d’âmes ne sont pas faites pour se comprendre. En antithèse qu’on lise d’un côté les Aphorismes de Schopenhauer sur la Sagesse dans la vie, cette bible d’un individualisme réservé, défiant et triste, ou le Journal intime d’Amiel, ou le Journal d’un poète de Vigny ; d’un autre côté, qu’on lise un Benoît Malon, un Elisée Reclus ou un Kropotkine, et on verra l’abîme qui sépare les deux sortes d’âmes.

Si l’on demande maintenant quels sont les traits les plus saillants du dogmatisme anarchiste, on peut répondre que le premier et le plus important de ces traits est l’intellectualisme ou le scientisme. Quelles que soient les différences qui séparent le marxisme orthodoxe et l’anarchisme traditionnel, on peut les considérer, suivant la fine remarque de M. Ed. Berth, comme « les deux aspects divergents, mais complémentaires d’une même psychologie sociale, de cette psychologie sociale très intellectualiste et très ratio-