Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/142

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dualiste ou libertaire et le principe humaniste ou solidariste, qui se traduit sur le terrain économique par le communisme. Par l’évolution même de la doctrine, ces deux éléments tendent de plus en plus à se dissocier. Chez un certain nombre d’anarchistes (surtout des intellectuels), nous pouvons voir l’anarchisme se muer plus ou moins nettement en individualisme pur et simple, c’est-à-dire en une attitude de pensée fort différente de l’anarchisme proprement dit, et compatible au besoin avec l’acceptation d’institutions politiques et sociables fort éloignées de l’idéal anarchiste traditionnel. D’autres, en plus grand nombre, surtout ceux qui mettent au premier plan les questions de vie matérielle et d’organisation économique, font bon marché de l’individualisme et le dénoncent volontiers comme une fantaisie d’aristocrate et un égoïsme intolérable. Leur anarchisme aboutit à un socialisme extrême, à une sorte de communisme humanitaire et égalitaire qui ne fait aucune place à l’individualisme. — Ainsi se révèle dans l’anarchisme un antagonisme de principes et de tendances qui constitue pour la doctrine un germe fatal de désagrégation[1].

  1. M. Fouillée, dans son livre Nietzsche et l’Immoralisme, retrace l’évolution actuelle de l’anarchisme et indique le conflit entre la tendance individualiste à la Stirner et la tendance humanitaire qui se traduit sur le terrain métaphysique par un monisme naturaliste à la Spinoza. Après avoir cité un passage M. Reclaire, le traducteur de Stirner, qui prétend substituer à la conception stirnérienne de l’« Unique » celle d’un moi commun et universel, « fond commun » des individualités,