Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/21

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l’incarnation suprême de la solidarité, il en résulte qu’un homme qui a l’honneur de toucher l’argent de l’État n’est jamais quitte envers la société. Il semble vraiment aux apôtres du « devoir social » que l’argent de l’État soit sacré, qu’il vaille dix fois plus que l’autre et que tout salarié de l’État, en échange d’un traitement pourtant modeste, soit redevable de tout son temps, de toutes ses forces, de toutes ses pensées au bien public, à l’éducation des masses, à la solidarité humaine, — au fond, aux ambitions électorales d’un Monsieur.

L’attitude individualiste telle que nous l’avons définie est surtout une attitude défensive. La grande arme de défense de l’individualiste contre les empiètements et les contacts sociaux est l’indifférence et le mépris. — Le mépris individualiste est un mur que l’individualiste, fort du sentiment de son unicité, élève entre son moi et celui des autres. Lorsqu’on vit dans certains compartiments sociaux, il est indispensable de s’envelopper d’une cuirasse de dédaigneuse impassibilité. Le mépris individualiste est une volonté d’isolement, un moyen de garder les distances, de préserver son être intime, sinon son être physique, du contact de certaines choses et de certaines gens.

Le mépris individualiste est un sentiment réactif au sens que nous avons dit plus haut. Cela veut dire que, souvent, le mépris remplace chez l’individualiste