Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/40

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la menue monnaie de l’altruisme. L’amitié est faite de la substance la plus précieuse des âmes qu’elle unit ; elle est le culte de la belle individualité.

L’amitié est un principe d’individualisation ; par là elle est un principe d’aristocratisation. Par là encore, elle s’oppose à la socialité dont les tendances vont au conformisme et au nivellement, à la stagnation des intelligences et des sensibilités.

Les différences qui séparent l’amitié et la socialité vont jusqu’à établir entre elles une véritable antinomie, qui n’est d’ailleurs qu’un des aspects de l’antinomie foncière qui semble exister entre l’individu et la société.

Sur tous les domaines de l’activité humaine, la société s’efforce de réduire, d’absorber, de mater l’individualité. Nous avons dit plus haut que ces délicates et intimes communications d’âmes que sont les affections électives sont vite flétries par les courants grégaires.

Il y a plus. On peut dire que les sociétés organisées, groupe, clan ou corps, voient d’un œil jaloux et tiennent en suspicion plus ou moins ouverte de tels sentiments, précisément parce qu’ils sont particularistes, électifs, individuels. M. de Roberty se trompe selon nous quand il semble croire[1] que la sociabilité et les sentiments électifs comme l’amitié et l’amour procèdent d’une même source et qu’ils se corroborent l’un l’autre. La vérité est qu’ils se contrarient

  1. Nouveau programme de Sociologie, Paris, Félix Alcan, 1904, p. 124.