Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/73

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ni la vérité, ni le bonheur de l’humanité ; elle a sa propre finalité en elle-même. Elle relève de ce que Nietzsche appelle la pure et immaculée connaissance.

Le rôle du vouloir-vivre y est réduit à son minimum. Même là où il subsiste, il cède le pas à l’intelligence contemplative, éclairée sur la vanité des choses et sur sa propre vanité.

La proportion variable de vouloir-vivre et d’intelligence contemplative qui entrent dans l’ironie peut servir à distinguer deux variétés d’ironie : l’ironie intellectuelle et l’ironie sentimentale ou, si l’on veut, émotionnelle.

L’ironie intellectuelle est celle qui procède ou semble procéder de la seule intelligence contemplative, froide et impassible comme elle. Cette ironie a sans doute ses racines lointaines dans le vouloir-vivre, dans quelque disposition native ou dans quelque expérience sentimentale, quelque passion ou quelque désillusion ; mais elle semble actuellement vidée de tout contenu émotionnel ou passionnel et parvenue à l’impassibilité absolue, au détachement complet de la réalité. Telle est l’ironie de Flaubert dans Bouvard et Péruchet. Chez cet artiste, le détachement du fond a pour contrepartie le culte — porté à l’absolu — de la forme, et fait ainsi triompher l’élément intellectuel. Le Dr Noir du Stello, de Vigny, semble aussi représenter le pur ironisme intellectuel.