Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/83

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ment le rôle historique des religions et des morales. Il combat cette foi aussi vieille que le monde, qui consiste à croire que les peuples n’ont d’autre but que de réaliser des idées morales. Dans son Essai sur l’inégalité des races, il n’accorde aux diverses morales, aux religions, aux dogmatismes sociaux, qu’une influence insignifiante sur la durée des institutions. Il y soutient que le fanatisme, le luxe, les mauvaises mœurs et l’irréligion n’amènent pas nécessairement la chute des sociétés : que le christianisme n’a ni créé ni transformé l’aptitude civilisatrice. L’esprit, l’intelligence, la volonté varient suivant les races, mais le rôle de l’éducation reste toujours infinitésimal.[1]

  1. La correspondance entre M. de Gobineau et M. de Tocqueville, publiée récemment dans la Revue des Deux Mondes, nous fait connaître la différence du sentiment des deux penseurs et caractérise assez bien l’immoralisme de M. de Gobineau. M. de Tocqueville écrit à M. de Gobineau : « Malheureusement, nous avons bien d’autres dissidences et de plus graves. Vous me semblez contester même l’utilité politique des religions. Ici, vous et moi, nous habitons les antipodes. La crainte de Dieu, dites-vous, n’empêche point d’assassiner. Quand cela serait, ce qui est fort douteux, que faudrait-il en conclure ? L’efficacité des lois soit civiles, soit religieuses, n’est pas d’empêcher les grands crimes (ceux-là sont d’ordinaire le produit d’instincts exceptionnels et de passions violentes qui passent à travers les lois comme à travers les toiles d’araignée) ; l’efficacité des lois consiste à agir sur le commun des hommes, à régir les actions ordinaires de tous les jours, à donner un tour habituel aux idées, un ton général aux mœurs. Réduites à cela, et surtout les lois religieuses sont si nécessaires qu’on n’a pas encore vu dans le monde de grandes sociétés qui aient pu s’en passer. Je sais qu’il y a beaucoup d’hommes qui pensent que