Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/86

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de la nature. Quand tu me préféras épouse de Charles Martin plutôt que servante de mon instinct, tu tombas dans le travers de l’Adversaire qui voudrait substituer à nos marais pleins de belles fièvres quelque étang de carpes. Cesse pourtant de te tourmenter. Il n’est pas si facile que ta vanité le suppose de mal agir. Il est improbable que tu aies substitué tes intentions au mécanisme de la nature. Je suis demeurée identique à moi-même sous une forme nouvelle ; je ne cessai pas d’être celle qui n’est pas satisfaite… Je pleurais dans la solitude, mais peut-être allais-je me consoler : tu me poussas dans les bras de Charles Martin pour que j’y pleure encore. Dans ce raccourci d’une vie de petite fille sans mœurs, reconnais ton cœur et l’histoire de l’univers[1]. »

Chose remarquable ! la note immoraliste n’est pas absente du chœur des moralistes religieux et laïques. — C’est un lieu commun chez les moralistes chrétiens de déplorer la force des passions et la faiblesse des freins moraux. Dans la morale chrétienne, la casuistique représente une concession forcée de la morale, une adaptation des commandements moraux aux exigences de notre nature corrompue. De là le reproche que les moralistes rigides ont adressé à la morale des Jésuites d’être une morale relâchée, c’est-à-dire au fond une morale immoraliste.

Dans une récente étude intitulée : l’Inquiétude de notre morale, un penseur contemporain, en qui on

  1. M. Barrès, le Jardin de Bérénice, à la fin.