Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/87

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ne peut méconnaître un moraliste, M. Mæterlinck, exprime son peu de foi dans le pouvoir des idées. « À la rigueur, dit-il, l’humanité n’a pas besoin de guide. Elle marche un peu moins vite mais presque aussi sûrement par les nuits que personne n’éclaire… Elle est pour ainsi dire indépendante des idées qui croient la conduire. Il est au demeurant curieux et facile de constater que ces idées périodiques ont toujours eu assez peu d’influence sur la somme de bien et de mal qui se fait dans le monde… Faut-il rappeler un exemple probant ? Au moyen âge, il y eut des moments où la foi était absolue et s’imposait avec une certitude qui répond exactement à nos certitudes scientifiques. Les récompenses promises au bien, comme les châtiments menaçant le mal, étaient, dans la pensée des hommes de ce temps, pour ainsi dire tangibles. Pourtant nous ne voyons pas que le niveau du bien se soit élevé. Quelques saints se sacrifiaient pour leurs frères, portaient certaines vertus, choisies parmi les plus discutables, jusqu’à l’héroïsme, mais la masse des hommes continuaient à se tromper, à mentir, à forniquer, à voler, à s’envier, à s’entre-tuer. La moyenne des vices n’était pas inférieure à celle d’à présent…[1]. »

  1. V. Mæterlinck, l’Intelligence des fleurs, p. 155. Il est important d’ajouter que l’immoralisme de M. Mæterlinck n’est qu’un immoralisme partiel. Car ce qu’il dit du peu de pouvoir des idées morales ne s’applique dans sa pensée qu’à la morale du bon sens, à la morale de la raison scientifique et non à ce qu’il appelle la « morale de la raison mystique ».