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G. PARIS

du groupe catalan. Le héros du roman, ― disons « le comte », sans essayer encore de lui donner un nom, – entend raconter par un jongleur le péril où se trouve, là-bas, en Allemagne, l’impératrice sa suzeraine. Deux barons de la cour l’ont injustement accusée d’adultère, et elle sera brûlée s’il ne se trouve personne pour combattre, au terme fixé, ses accusateurs. Le comte part secrètement pour Aix-la-Chapelle[1] et arrive au moment où l’exécution va avoir lieu[2]. Revêtu d’une robe de moine que lui a procurée un vrai moine dévoué à l’impératrice, il est introduit auprès d’elle, l’entend en confession, et, sûr dès lors de son innocence, lui révèle son nom et son dessein. Il se présente en armes sur le lieu du supplice et s’offre à combattre seul les deux calomniateurs l’un après l’autre : il tue le premier, sur quoi le second avoue le crime qu’ils ont commis « par haine et envie » et implore le pardon de l’impératrice, qu’elle lui accorde généreusement. Elle est ramenée en triomphe au palais, et on cherche partout le vainqueur, mais il a disparu. Au bout d’un certain temps, l’impératrice fait connaître le nom qu’il lui avait interdit de révéler plus tôt, et l’empereur veut qu’elle aille elle-même, en pompeux appareil, trouver son libérateur dans le lointain comté où il est retourné. Accueillie par le comte avec magnificence, elle le ramène en Allemagne : l’empereur le remercie à son tour et lui accorde un notable accroissement de fief[3].

  1. Aix n’est nommée que dans la Couronne d’Arles ; Desclot nomme Cologne, les autres ne désignent pas la ville.
  2. Il est à remarquer que dans Desclot et la romance castillane le comte arrive accompagné d’un chevalier (ou écuyer) qui doit combattre avec lui, mais qui l’abandonne au dernier moment, en sorte que le combat contre deux adversaires, qu’il accepte, n’avait pas été prévu par lui. Ce trait a disparu du roman anglais et du groupe III (Jensen, Palanus, Galmi, Bandello), mais il doit être primitif, car dans les deux chroniques provençales, où pourtant il n’est plus question que d’un accusateur, le comte est encore, sans aucune raison, accompagné d’un chevalier, et dans tous les récits il arrive avec quelque compagnon qui ne sert à rien : c’est la survivance d’un organe atrophié.
  3. À ce groupe se rattache certainement une imitation faite en Catalogne au xve siècle, et qui se trouve dans le curieux roman de Curial y