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G. PARIS

le combat contre tous deux, combat dans lequel l’un est renversé du premier coup, et l’autre implore sa grâce (mais vainement dans le poème anglais). Dans la description du combat, il y a même des passages où l’accord entre le poème anglais et la romance castillane (qui provient du catalan) est littéral, et ne peut s’expliquer que par une source commune.

Mais si en beaucoup de traits le poème anglais reproduit fidèlement le thème primitif, il s’en écarte par l’introduction d’un élément nouveau, qui change, à vrai dire, tout l’esprit du récit, en lui donnant un charme qui lui manquait. L’impératrice et le comte ne sont plus des inconnus l’un pour l’autre : ils se sont déjà vus ; bien plus, ils se sont sentis attirés l’un vers l’autre, ils ont échangé des aveux, et elle lui a fait présent d’un anneau ; quand, le prenant pour un moine, elle se confesse à lui, elle ne trouve à se reprocher que cette faute commise pour lui-même, ce qui naturellement le remplit de tendresse et d’émotion. Au reste, l’amour n’est pas allé entre eux plus loin que l’expression d’une sympathie mutuelle. Le poème français était sans doute sur ce point plus réservé encore que ne l’est l’imitation anglaise. Dans les romans de Palanus et de Galmi, – qui en dérivent comme le poème anglais, – il n’existe entre les deux héros qu’un amour idéal, qui porte seulement chacun d’eux à se rendre de plus en plus digne de l’honneur que lui fait l’autre en l’aimant. Le dénouement de Palanus est de tous le plus conforme à cette donnée ; tandis que dans les autres versions du troisième groupe et aussi dans le poème anglais la dame finit, son mari étant mort, par épouser son libérateur, ici nos deux héros, après leur terrible aventure, restent l’un pour l’autre ce qu’ils étaient auparavant ; ils éprouvent seulement, elle de la reconnaissance et de la joie d’avoir si bien placé son estime, lui de la fierté d’avoir si bien répondu à la confiance de celle qui a purifié pour toujours le culte qu’il lui garde[1].

  1. Il en est de même dans Anténor (la Marquise de la Gaudine), où d’ailleurs il n’y a même pas entre le héros et l’héroïne de sentiments d’amour. La marquise a jadis rendu à Anténor un service tout féminin ; le roi à la cour duquel il se trouvait le soupçonnait, à tort, de relations