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G. PARIS

l’un et forçait l’autre à demander grâce, et disparaissait aussitôt pour se retirer dans son comté, où la reconnaissance de l’impératrice et de l’empereur enfin éclairé venait, plus tard,

    lui ; mais auparavant il avait été moins heureux avec une autre « amie » de sa jeunesse (t. II, pp. 104 suiv.). C’est peut-être aussi de notre poème que dérive une chanson, évidemment fort altérée, dont je ne connais qu’un sommaire et quelques fragments, recueillis à Segré par M. le président Doreau, qui a bien voulu me les envoyer. Tout fruste que soit ce débris, je transcris ici la communication de M. Doreau. L’héroïne s’appelle Élise « De grand matin va à confesse, mais son amant la devance à l’église : A pris l’habit d’un capucin, C’est bien pour savoir son dessein : « Allons, ma belle fille, Qu’avez-vous donc encore à dire ? Je suis un prêtre étranger ; Je suis chargé de vous entendre, à moi dites toute la vérité. – Mon père, j’aime un jeune chevalier ; Grand Dieu ! Que j’en suis amoureuse ! Il m’a donné tout son trésor ; je lui ai donné mon cœur en gage : Jugez, mon père, si j’ai tort. – Mais dites-moi après cela Si vous n’avez que celui-là. Mon père, J’aimerais mieux souffrir la mort, la mort la plus cruelle, Qu’à un autre donner mon cœur. — La belle, je suis votre cher amant, Celui que le cœur tant désire. Faites-moi un doux baiser : Ce sera votre pénitence ; Faites-le moi donc, s’il vous plaît. – Puisque tu m’as fait un tour d’adresse, Je m’en irai dans un couvent, Et là je finirai mes jours ; Adieu les amants pour toujours !  » Et le chevalier meurt du chagrin qu’il éprouve d’avoir perdu Élise par sa faute. »

    Une autre imitation de cette donnée parait se trouver dans une des romances castillanes consacrées au Comte Claros (voy. Lüdtke, p. 86). Le comte Claros a séduit Claraniña, la fille de l’empereur Charles ; le père de Claraniña l’a mise en prison, et elle doit être brûlée. Le comte, prévenu par une lettre d’elle, arrive déguisé en moine, entre dans la prison pour la confesser, mais lui fait des propositions d’amour, sur quoi elle s’indigne et déclare qu’elle n’a aimé que le comte Claros et n’en aimera jamais un autre. Le moine alors va s’armer, s’offre à prouver l’innocence de la princesse (dont cependant des matrones ont attesté la faute), triomphe du champion qu’on lui oppose et emmène Claraniña dans son pays. — Le fond de l’histoire de Claros et de Claraniña repose sans doute sur l’anecdote d’Eginhard et Emma (voy. Otto, La tradition d’Eginhard et d’Emma dans la poésie romancesca de la péninsule ibérique, dans les Modern Language Notes. Baltimore, 1892) ; mais notre romance s’en éloigne complètement et paraît bien avoir emprunté ce qui la distingue des deux autres sur le même sujet à la tradition du Comte de Barcelone ; seulement elle a transformé l’esprit du récit à peu près de la même façon que Baudouin de Sebourc et la chanson angevine, sans qu’il soit besoin d’ailleurs d’admettre entre ces trois versions un rapport direct.

    On a vu plus haut que la confession de l’héroïne faussement accusée