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LE ROMAN DU COMTE DE TOULOUSE.

l’impératrice est accusée d’avoir failli à ses devoirs d’épouse. Ce trait ne s’explique guère que comme « survivance » d’une forme du récit où il avait sa raison d’être. Tout semble donc indiquer que c’est dans les comtés soumis à Bernard que fut mise par écrit, après un temps que nous ne pouvons préciser[1], la légende à laquelle avaient donné lieu les événements, par eux-mêmes singuliers et romanesques, de 830 et de 831.

Elle ne revêtit pas la forme des chansons de geste : l’épopée, qui a tant célébré Guillaume de Toulouse, ignore complètement son fils[2]. Ce fut très probablement un récit latin qui transmit à la postérité la belle histoire née, au moment même, de la connaissance imparfaite et de l’impression exagérée des faits. Bernard y était sans doute appelé, — comme dans un autre document légendaire qui le concerne[3], —

  1. Il est très difficile de fixer la date à laquelle eut lieu la mise par écrit de la légende. Il paraît certain qu’elle naquit au moment même des faits qui en forment la base, mais elle ne dut pas être rédigée aussitôt. D’autre part, il ne semble pas qu’elle ait dû l’être dans les années qui suivirent immédiatement la mort de Bernard (844). Cette mort, qui fut en tout cas tragique et qui donna lieu elle-même à de sombres légendes (voy. ci-dessous, n. 3), dut profondément troubler les sujets du duc de Septimanie. Il nous paraît probable que la tradition conservée dans notre groupe catalan, si voisine encore de la vérité historique, dut se transmettre pendant quelque temps de bouche en bouche avant de se fixer par écrit, et que quand elle prit sa forme définitive on ne la rattachait plus avec précision à celui qui en était le héros.
  2. Dans toutes les chansons qui lui sont consacrées, Guillaume d’Orange, à l’histoire poétique duquel Guillaume de Toulouse a certainement fourni d’importants éléments, est présenté comme sans enfants.
  3. Il s’agit du singulier récit dont un certain Eudes Aribert se donne pour auteur et qui a été publié en partie par Baluze (Notes sur Agobard, p. 159), et en entier par Dorel (Antiquités de Castres, p. 12), de là dans les Histor. de Fr., t. VII, p. 286, et dans les Preuves de l’Histoire de Languedoc, de D. Vaissete, nouv. éd., t. II, 2e part., p. 249. La prétendue épitaphe en roman que l’archevêque de Toulouse aurait fait graver sur le tombeau de Bernard suffit à prouver que ce texte ne remonte pas au delà du xive siècle ; l’assertion de Baluze, qui dit que le manuscrit d’Eudes Aribert que lui avait communiqué M. de Masnave était « antique » empêche de le faire descendre plus bas. D’après ce récit, Charles le Chauve poignarda de sa propre main le comte de Toulouse et de Barcelone (bien qu’ils eussent juré la paix et communié ensemble), en lui