Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/200

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règles traditionnelles. Rien, chez lui, dont puissent s'autoriser les novateurs modernes soit pour affaiblir la rime, soit pour affranchir le rythme. C'est sa conception de la poésie qui changea. Et nous pourrions nous étonner que ce changement ne se soit pas traduit par une forme moins régulière et moins stricte[1]. Mais, si Mallarmé eut de tout temps la veine courte et rare, les dernières années de sa vie furent particulièrement infécondes. Quelques études en prose, voilà surtout ce qui peut nous montrer en lui l'initiateur du symbolisme, par exemple sa Divagation relativement au vers ; et, cette Divagation elle-même ayant paru alors que le symbolisme avait déjà commencé de renouveler la poésie, il faut en appeler au témoignage de ses disciples pour le reconnaître comme le promoteur de cette rénovation. Beaucoup de jeunes poètes fréquentaient chez Mallarmé. Là, dans des entretiens dont ils nous vantent le charme, l'intérêt, la haute portée littéraire et morale, s'élabora peu à peu la poétique de notre école moderne. Esthéticien avant tout, ses pièces, si même elles valaient par soi davantage, ne pourraient nous expliquer la grande influence qu'il exerça sans conteste sur l'évolution de la poésie contemporaine.

Ce qu'elles ont, à vrai dire, de plus caractéristique, c'est leur obscurité. Des initiés, paraît-il, y découvrent la pensée du poète sous les voiles dont elle s'est volon-

  1. On nous dit que, dans les derniers temps de sa vie, il finit par adopter le vers libre, et qu'il composa même en ce genre quelques pièces dont le public n'eut pas communication. (Cf. Camille Mauclair, l’Art en silence, p. 82.)