Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/202

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architecte de raisonnements subtils, qui, dans ses poèmes, ne laissait rien au libre cours de la veine et se souciait uniquement de mettre en pratique certaine discipline. Et lui même, au reste, ne les donnait que pour des études.

Nous pourrions croire, en lisant telle pièce de Stéphane Mallarmé, que les termes y sont disposés à l’aventure, sans autre rapport que des convenances de sonorité ou de couleur. Mallarmé, qui avait le culte des mots considérés en soi, subordonnait volontiers leur signification logique à leur valeur musicale. Et cela sans doute suffirait pour le rendre obscur. Mais il y a autre chose. Il y a que l’art des vers lui apparaît comme « abscons » par essence. Si la clarté peut bien convenir à la prose, ou, du moins, à certains genres de prose tout pratiques, il la tient incompatible avec la poésie, dont l’objet propre exige une langue particulière. La poésie, telle qu’il l’entend, doit exprimer au moyen d’analogies extérieures ces « idées » que symbolisent les choses réelles. Elle est la langue du « mystère », et, comme toute langue hiératique, elle a des règles à part, soit pour le rythme et pour le choix des mots, soit aussi pour la syntaxe.

Mais ce qui surtout rend Mallarmé inintelligible, c’est la complication des pensées, qu’il exprime simultanément et non dans leur ordre successif. Il prétend attacher à chacune de ses pièces, et, pour ainsi dire, à chacun de ses vers, plusieurs sens associés et confondus. Trois au moins, nous dit-on : le premier qui serait uni et accessible ; le second, qui est « déjà spirituel » ; le troisième, qui est vraiment