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Un singulier mélange de candeur et de subtilité ; tantôt des tendresses naïves, tantôt des bizarreries, d’étranges associations, des incohérences déconcertantes, qui trahissent ce que son génie intime a de fantasque et de dissolu.

La Bonne chanson suivit les Fêtes galantes. Elle fut écrite en d’heureux jours, ceux des fiançailles. On y rencontre beaucoup de petits poèmes qui dénotent une nouvelle manière par leur simplesse ingénue et leur douceur, par la fluidité de leur forme, par je ne sais quelle gaucherie. Même si les circonstances ne l’y eussent pas amené, le poète devait bientôt rompre avec le Parnasse, dont la rhétorique contrainte répugnait à son naturel.

Voici que l’Année terrible disperse les parnassiens. Quatre ans après, Verlaine, qui se trouvait alors à Mons[1], publie les Romances sans paroles où il est devenu tout à fait soi. Le titre du recueil annonce une poésie moins plastique que musicale. Et, en effet, ce sont ici de fugitifs états d’âme, non point analysés, non pas même notés par des traits précis, mais indiqués par des « allusions », par des images lointaines et vagues, qui n’ont d’ailleurs entre elles aucun lien logique. Sept ans plus tard, paraît Sagesse. Verlaine s’est converti : il fait maintenant des vers dévots, des sortes de litanies dans lesquelles s’exhale son mysticisme natif. Les Romances sans paroles, Sagesse, et quatre recueils suivants, Jadis et Naguère, Amour, Parallèlement, Bonheur, voilà tout Verlaine.

  1. Il avait quitté Paris avec Arthur Rimbaud en 1872, pour aller en Angleterre, puis en Belgique.