Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui le tenaient pour leur maître. Écoutons-le seulement : « Ils m’embêtent à la fin, les cymbalistes !… N’est-ce pas ridicule, tout cela, après tout !… Moi aussi, je me suis amusé à faire des blagues, dans le temps !… Mais enfin, je n’ai pas la prétention de les imposer en Évangile ! Je ne regrette pas mes vers de quatorze pieds ; j’ai élargi la discipline des vers, et cela est bon ; mais je ne l’ai pas supprimée ! À présent, on fait des vers à mille pattes ! Ça n’est plus des vers, c’est de la prose ; quelquefois même ce n’est que du charabia… J’ai eu des élèves, oui, mais je les considère comme des élèves révoltés[1]. » Et il ne marque pas seulement sa dissidence sur des points de métrique ou de langue, mais aussi sur la conception même du symbolisme poétique. « Le symbolisme ? Comprends pas… Ce doit être un mot allemand, hein ? Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Quand je souffre, quand je jouis ou quand je pleure, je sais bien que ça n’est pas du symbole. Voyez-vous, toutes ces distinctions-là, c’est de l’allemandisme. Moi je suis Français[2]. » La poésie de Verlaine semble, par certains côtés, directement contraire à celle des symbolistes. Si en effet le symbolisme ne s’accorde qu’avec un état d’âme plutôt objectif et contemplatif, comment faudrait-il y rapporter une poésie dont le trait essentiel est son inspiration élégiaque, ou, mieux encore, son subjectivisme aigu ?

On sait qu’après la mort de Leconte de Lisle, la jeunesse littéraire proclama Paul Verlaine « prince

  1. Enquête sur l’évolution littéraire, par J. Huret, p. 68.
  2. Ibid., p. 67.