Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/210

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Ceux qui revendiquèrent Verlaine comme leur maître n’ont point son ingénuité. Mais, artistes très conscients, ils veulent retrouver cette fraîcheur et cette candeur d’âme qui, chez lui, sont natives. Ils s’inspirent de Verlaine en répudiant la discipline des parnassiens, leur méthode analytique, leurs procédés oratoires, leur syntaxe précise et rigide, leur versification correcte et dure, en créant un art qui, moins exprès dans sa matière et plus « soluble » dans sa forme, traduit le mystère, le songe, l’inconscience elle-même.


À toute évolution de la poésie répond une évolution analogue et de la métrique et de la langue. C’est ainsi que Ronsard et ses amis furent des grammairiens avant d’être des poètes ; c’est ainsi que le romantisme transforma en quelques années une langue et une métrique qui semblaient avoir été fixées par deux siècles de chefs-d’œuvre.

De même, les symbolistes modifièrent l’instrument poétique selon leur sensibilité propre et selon l’idée qu’ils se faisaient de l’art. La versification était encore assujettie à beaucoup de règles étroites, purement arbitraires, dont ils devaient tout d’abord s’affranchir pour réaliser leur conception d’une nouvelle poésie. Quant à la langue, les changements qu’elle subit ne sont guère moins profonds. Sans doute nos prosateurs impressionnistes l’avaient déjà enrichie et assouplie. Pourtant, sans parler de maints jeunes poètes qui, les uns, innocents et