Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/213

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pareille entreprise ne saurait réussir ; nous ne pouvons pas plus retourner à la langue de Charles d’Orléans, voire à celle de Ronsard, qu’à leur façon de sentir et dépenser[1].

Il y a d’autres formes de néologismes et d’archaïsmes que pratiquent les jeunes poètes. Ils prennent souvent les mots, M. de Régnier notamment, dans une signification plus voisine de l’étymologie, ou en rajeunissent le sens par des alliances ingénieuses, comme ont fait de tout temps les maîtres. Telles figures leur sont familières, qui conviennent particulièrement au caractère de la poésie nouvelle. C’est ainsi qu’ils passent de l’acception propre à l’acception figurée en prêtant aux choses leurs propres sentiments ; et ce procéda sans doute n’est point nouveau, mais ils l’emploient plus souvent que leurs devanciers et avec plus de hardiesse. Verlaine dit :


Le son du cor s’afflige vers les bois[2],


ou :


                                        Deux jeunes filles
Qui s’en vont pâlir sous les chastes charmilles[3].


De même, ils usent de transpositions qui se rapportent à la secrète correspondance des sons, des couleurs et des parfums indiquée déjà par Baudelaire[4]. Ils diront entre autres :


Et de beaux chœurs de voix d’homme et de femme
Montaient parmi l’ouragan des bruits ignés[5].


  1. Sur M. Jean Moréas, cf. p. 217.
  2. Sagesse.
  3. Romances sans paroles, Ariettes oubliées.
  4. Cf. p. 181.
  5. Verlaine, Naguère, Crimen amoris.