Page:Pellissier - Le Mouvement littéraire contemporain, 1908.djvu/230

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avec ses nouveaux sujets. Il lui arrive aussi de composer parfois des morceaux exclusivement plastiques, dont tout le mérite tient à la perfection de la facture. Mais sa poésie, même dans les derniers recueils, a pourtant une couleur bien moderne. Si M. de Régnier, laissant là le moyen âge, s’inspire maintenant de la mythologie antique, cette mythologie, toute décorative chez les parnassiens, revêt chez lui, presque toujours, un caractère de symbolisme moral. Il ne se borne point à exprimer des images superficielles et vaines. Dans ce qu’il écrit de plus alexandrin, nous sentons une âme contemporaine de la nôtre par sa mélancolie intime. Et la forme elle-même y a quelque chose de discret et de nuancé qui ne ressemble en rien à du Leconte de Lisle ou à du Heredia.

M. Henri de Régnier est souvent mièvre et précieux. Il cherche volontiers des effets un peu bien puérils dans les allitérations, dans les assonances, et affecte des antithèses verbales où l’on sent l’artifice. Il ne se défend pas assez d’une facilité naturelle qui tourne au délayage ; il a, surtout dans ses premières œuvres, certains « poncifs » de vergers, de prairies et de fontaines qui reviennent par trop souvent. Enfin nous le voudrions quelquefois plus clair. Ses défauts ne l’empêchent pas d’être au premier rang parmi nos poètes modernes. Il a fait des vers sonores et luxueux. Mais là n’est pas son originalité. Son originalité, c’est d’allier au symbolisme ce que la poétique nouvelle pouvait admettre de l’art parnassien. Les meilleures pièces qu’il ait écrites tiennent encore du