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Le Pèlerin passionné, de M. Jean Moréas, fut, à son apparition[1], considéré comme le chef-d’œuvre qui ’consacrait enfin le symbolisme. Presque aussitôt, il’auteur du Pèlerin passionné, rompant avec la poésie symboliste, fonda lui-même une école nouvelle, l’école romane, dont les manifestes ne laissèrent pas en leur temps de faire quelque bruit.

Il avait débuté par deux petits livres, les Syrtes si les Cantilènes. Peu s’en fallut qu’il ne reniât, depuis, ces premiers essais. À vrai dire, les Syrtes l’ont rien de bien original, et la valeur en est fort mince. Ce recueil incohérent, où les titres, ambitieux et prétentieux, contrastent avec l’insignifiance des pièces, ne peut être loué que pour l’harmonie dont quelques-unes sont redevables à l’heureux usage des rythmes traditionnels[2]. Les Cantilènes ne manquent pas moins d’unité ; et, si elles en manquent, c’est sans doute parce que toute personnalité fait encore défaut au poète. Il y a là beaucoup de pièces contournées et diffîcultueuses. La plupart sont dépourvues non pas seulement d’idées, mais aussi de sentiment; et, si pourtant on en trouve certaines qui ont de la grâce, cette grâce même sent l’affectation jusque dans son apparente ingénuité.

M. Moréas s’était d’abord laissé appliquer le nom de décadent, qui convenait fort bien à son art com-

  1. 1891.
  2. M. Moréas observe dans les Syrtes la prosodie régulière, sauf quelques licences assez baroques et l’emploi, rare au surplus, des mètres impairs.