Page:Pensées de Gustave Flaubert 1915.djvu/49

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Chaque chose est un infini ; le plus petit caillou arrête la pensée tout comme l’idée de Dieu. Entre deux cœurs qui battent l’un sur l’autre il y a des abîmes, le néant est entre eux, toute la vie et le reste. L’âme a beau faire, elle ne brise pas sa solitude, elle marche avec elle, on se sent fourmi dans un désert, et perdu… perdu…

Je crois cet axiome vrai, à savoir que l’on aime le mensonge, mensonge pendant la journée et songe pendant la nuit. Voilà l’homme.

Quand on est jeune, on associe la réalisation future de ses rêves aux existences qui vous entourent. À mesure que ces existences disparaissent, les rêves s’en vont.

Je suis loin d’être l’homme de la nature qui se lève avec le soleil, s’endort comme les poules, boit l’eau des torrents, etc. Il me faut une vie factice et des milieux en tout extraordinaires. Ce n’est point un vice d’esprit, mais toute une consti-