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la guerre des boutons


pour nous acheter des chemises, des habits, des sabots, j’sais ti quoi ! moi ; mais je m’en fous de leurs nippes, je voudrais qu’on me les donne, mes ronds, pour que je puisse acheter quelque chose d’utile, ce que je voudrais : du chocolat, des billes, du lastique pour une fronde, voilà ! mais il n’y a vraiment que ceux qu’on accroche par-ci par-là qui sont bien à nous et encore faut pas qu’ils traînent longtemps dans nos poches !

Un coup de sifflet interrompit la discussion, et les écoliers se mirent en rang pour entrer en classe.

– Tu sais, confia Grangibus à Lebrac, moi, j’ai deux ronds qui sont à moi et que personne ne sait. C’est Théodule d’Ouvans qui est venu au moulin et qui me les a donnés passe que j’ai tenu son cheval. C’est un chic type, Théodule, il donne toujours quéque chose… tu sais bien, Théodule, le républicain, celui qui pleure quand il est saoul !

– Taisez-vous, Adonis ! – Grangibus était prénommé Adonis – fit le père Simon, ou je vous punis !

– Merde ! fit Grangibus entre ses dents.

– Qu’est-ce que vous marmottez ? reprit l’autre qui avait surpris le tremblement des lèvres ; on verra comme vous bavarderez tout à l’heure quand je vous interrogerai sur les devoirs envers l’État ?