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la guerre des boutons


Chacun choisit son siège. Les grosses pierres plates s’offraient d’elles-mêmes, il n’y avait qu’à prendre. Chacun trouva la sienne et regarda le chef.

– C’est donc entendu, articula ce dernier, rappelant brièvement le vote du matin, qu’on va se cotiser pour avoir un trésor de guerre.

Les dix pannés protestèrent unanimement.

Guerreuillas, ainsi nommé parce qu’à côté du sien le regard de Guignard était d’un Adonis et que ses gros yeux ronds lui sortaient effroyablement de la tête, prit la parole au nom des sans-le-sou.

C’était le fils de pauvres bougres de paysans qui peinaient du 1er  janvier à la Saint-Sylvestre pour nouer les deux bouts et qui, naturellement, n’offraient pas souvent à leur rejeton de l’argent de poche pour ses menus plaisirs.

– Lebrac ! dit-il, c’est pas bien ! tu fais honte aux pauvres ! T’as dit qu’on était tous égaux et tu sais bien que ça n’est pas vrai et que moi, que Zozo, que Bati et les autres, nous ne pourrons jamais avoir un radis. J’sais bien que t’es gentil avec nous, que quand t’achètes des bonbons tu nous en donnes un de temps en temps et que tu nous laisses des fois lécher tes raies de chocolat et tes bouts de réglisse ; mais tu sais bien que si, par malheur, on nous donne un rond, le père ou la mère le prennent aussitôt pour acheter des fourbis dont on ne voit jamais la couleur. On te l’a déjà