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la guerre des boutons


Et, lentement, il partagea entre les quarante-cinq convives le litre d’alcool. Cela dura bien dix minutes, mais personne ne but avant le signal. On porta alors de nouveaux toasts plus verts et plus violents que jamais ; ensuite on trempa les morceaux de sucre et on pompa le liquide à petits coups.

Vingt dieux ! ce qu’elle était forte ! Les petits en éternuaient, toussaient, crachaient, devenaient rouges, violets, cramoisis, mais pas un ne voulait avouer que cela lui brûlait la gorge et que ça lui tordait les tripes.

C’était chipé, donc c’était bon : c’était même délicieux, exquis, et il n’en fallait pas perdre une goutte.

Aussi, dût-on en crever, on avala la gniaule jusqu’à la dernière molécule, et on lécha la pomme et on la mangea pour ne rien perdre du jus qui avait pu pénétrer à l’intérieur des chairs.

— Et maintenant, allumons ! proposa Camus.

Tigibus le chauffeur fit passer des tisons enflammés. On emboucha les morceaux de « véllie » et tous, fermant à demi les yeux, tordant les bajoues, pinçant les lèvres, plissant le front, se mirent à tirer de toute leur énergie. Parfois même, tant on y mettait d’ardeur, il arrivait que la clématite, bien sèche, s’enflammait et alors on admirait et tous s’appliquaient à réaliser cet exploit.