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la guerre des boutons


prisonniers, mais les cailloux et les triques firent rage, et les blessés n’avaient guère, le soir, envie de rire.

Camus avait une bosse épouvantable au front, une bosse avec une belle entaille rouge, qui avait saigné durant deux heures ; Tintin ne sentait plus son bras gauche ou plutôt il ne le sentait que trop ; Boulot avait une jambe toute noire. La Crique n’y voyait plus sous l’enflure de la paupière droite, Grangibus avait les orteils écrasés, son frère remuait avec une peine infinie le poignet droit et l’on comptait pour rien les meurtrissures multiples qui tatouaient les côtes et les membres du général, de son lieutenant et de la plupart des autres guerriers.

Mais on ne se plaignait pas trop, car du côté des Velrans c’était sûrement pis encore. Bien sûr qu’on n’était pas allé inventorier les « gnons » reçus par les ennemis, mais c’était une bénédiction s’il n’y en avait pas, dans le tas des écharpés, quelques-uns qui se missent au lit avec des méningites, des foulures graves, des luxations ou des fièvres carabinées.

Bacaillé, entre ses planches, sur sa botte de paille, rentra le soir un peu éméché, l’air triomphant, et ricana même méchamment au nez des camarades qui d’aventure assistèrent à sa descente de voiture.