Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/224

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gens suyvans l’ost avec leurs denrées et marchandises, leur loüoient et affermoient les esteaux et ouvrouers, pour vendre leurs marchandises aussi chiers comme ilz le pouvoient faire. Dont de ce la renommée en fut és païs estranges à ceulx qui venoient de loingtain païs amener les vivres à l’ost, qui se demourerent à venir ; qui fut ung très-grant mal et dommage.

Les barons, chevaliers et autres, qui deussent avoir bien gardé leur bien, et l’avoir espergné pour s’en secourir en lieu et en temps, se prindrent à faire grans banquetz les ungs aux autres en habondance de viandes delicieuses. Et le commun peuple se print à forcer et violer femmes et filles. Dont de ce advint grant mal ; car il faillut que le Roy en donnast congié à tout plain de ses gens et officiers. Car, ainsi que le bon Roy me dist, il trouva jusques à ung gect de pierre prés et à l’entour de son paveillon plusieurs bordeaux que ses gens tenoient. Et d’autres maulx y avoit plus que en ost qu’il eust jamés veu.

Or revenons au principal de nostre matière, et disons ainsi. Quant nous eusmes ainsi esté en ceste cité de Damiete, le Souldan avecques toute une grosse armée assaillirent notre ost par devers la terre. Et incontinant le Roy et ses gens d’armes se arment et mettent en point. Et affin de deffendre que les Turcs ne se meissent en nos herbergemens que avions aux champs, je allé par devers le Roy tout armé : lequel je trouvé pareillement armé, et aussi tous ses chevaliers d’entour lui seans sur formes[1]. Et lui requis humblement qu’il me donnast congié d’aller, mes gens et

  1. Seans sur formes : montés sur leurs chevaux de bataille.