Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/254

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mort de sondit frere le conte d’Arthois, lui dist : « Sire, onques si grant honneur n’avint à roy de France, comme à vous. Car de grant courage vous et toute vostre gent avez passé à nous une malle riviere, pour aller combatre voz ennemis. Et tellement avez fait que vous les avez chassez, et gaigné le champ avec leurs engins, dont ilz vous faisoient grant guerre à merveilles : et gerrez encores anuyt[1] en leurs herbergemens et logeis. » Et le bon Roy respondit : que Dieu fust adoré de quant qu’il lui donnoit. Et lors lui commencent à cheoir grosses larmes des yeulx à force, dont maints grans personnages qui virent ce furent moult oppressez d’angoesse et de compassion de la pitié qu’ilz avoient de le veoir ainsi pleurer, et en loüant le nom de Dieu de ce qu’il lui faisoit endurer. Et quant nous fusmes arrivez à noz herbergemens, nous trouvasmes grand nombre de Sarrazins à pié qui tenoient les cordes d’une tente, laquelle ilz destendoient à force contre plusieurs de nostre gent menuë, qui la tendoit. Et le maistre du Temple qui avoit l’avant-garde, et moy, courusmes sus à ceste quenaille, et les mismes à la fuite ; et demoura à nos gens icelle tente. Mais non pour tant y eut grant bataille, dont plusieurs, qui estoient en grans bobans, se trouverent moult honteusement. Les noms desquelz je nommeroie bien. Mais je m’en deporte, parce que ilz sont mors ; et n’affiert[2] à aucun mal dire des trespassez. De messire Guion Malvoisin vous vueil bien dire. Car le connestable et moy le rencontrasmes en chemin, venant de la

  1. Et gerrez encores anuyt : et passerez encore cette nuit.
  2. N’affiert : ne convient.