Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/257

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ilz que le glaive fait à la mode de Turquie, et sont presque tous vestuz de linges ressemblans à sourpeliz. Et sont laides gens et hideux à regarder ; car ilz ont tous les cheveulx et les barbes longs, et tous noirs. Ilz vivent de l’affluence du let de leurs bestes. Et y en a si grant nombre, que nul ne les sauroit estimer. Car il en y a ou royaume d’Egipte, de Jerusalem, et par toutes les terres des royaumes sarrazins et mescreans, auxquelz ilz sont tributaires.

Ad ce propouz des Beduns, je dy que j'ay veu depuis mon retour d’oultre mer aucuns portans le nom de Chrestien, qui tiennent la loy des Beduns. Car sont aucuns qui disent que nul ne peut mourir que à ung jour déterminé, sans aucune faille[1] : qui est une chouse faulce. Car autant je estime telle creance, comme s’ilz vouloient dire que Dieu n’eust point de puissance de nous mal faire ou aider, et de nous eslonger ou abregier les vies : qui est une chose heretique. Mais au contraire, je dy que en lui devons nous croire, et qu’il est tout puissant, et a povoir de toutes choses faire : et ainsi de nous envoier la mort toust ou tart, à son bon plaisir. Qui est le contraire de la creance des Beduns, qui disent leur jour de mort estre déterminé sans faille, et sans qu’il soit possible qu’il puisse estre eslongné ne abregé.

Pour revenir à ma matiere et icelle poursuir, advint que au soir que fusmes retournez de la piteuse bataille dont j’ay devant parlé, et que nous fusmes logiez ou lieu dont nous avions getté et expulsé les

  1. Sans aucune faille : sans faute, sans qu’il puisse s’en garantir.