Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/259

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devant nostre ost tout ras à ras, pour garder que de nuyt nous ne sourprinsons leur ost, qui estoit derriere eulx. Six des chevetaines des Turcs se descendirent moult bien armez, et vindrent faire ung tandeis[1] de grosses pierres de taille, affin que noz arbalestriers ne les bleczassent du trect. Et eulx-mêmes tiroient à la vollée parmy nostre ost, et souvent bleczoient plusieurs de nos gens. Et quant mes gensd’armes et moy, qui avions à garder celui endroit, veismes leur tandeis de pierre, nous prinsmes conseil ensemble que la nuyt venuë nous yrions deffaire leurdit tandeis, et emporterions les pierres. Or avoys-je un prebstre, qui avoit nom messire Jehan de Waysy, qui oyt nostre conseil et entreprinse : et de fait n’attendit pas tant, ainczois se despartit de nostre compaignie tout seullet, et alla vers les Sarrazins sa curasse vestuë, son chappel de fer sur la teste et son espée soubs l’esselle, de paeur qu’on l’apperceust. Et quant il fut prés des Sarrazins, qui ne se pensoient ne doubtoient de lui parce qu’il estoit tout seul, il leur courut sus asprement, et lieve son glaive, et fiert sur ces six capitaines turcs sans que nully d’eulx eust povoir de soy deffendre, et force leur fut de prandre la fuite. Dont de ce furent moult esbahiz les autres Turcs et Sarrazins. Et quant ilz virent ainsi leurs seigneurs enfuir, ilz picquerent des esperons et coururent sus à mon prebstre, qui se retourna vers nostre ost : dont il partit bien cinquante de nos gensd’armes à l’encontre des Turcs, qui le poursuivoient à cheval. Mais les Turcs ne vouldrent joindre à noz gens, ains gauchi-

  1. Tandeis : monceau.