Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/275

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l’arriere-garde en la barbacanne[1]. Quant tout l’ost fut passé oultre, ceulx qui demourerent en la barbacanne, qui estoit l'arriere-garde, furent à grant malaise des Turcs qui estoient à cheval; car ilz leur tiroient de visée force de trect, pour ce que la barbacanne n’estoit pas haulte. Et les Turcs à pié leur gectoient grosses pierres et motes dures contre les faces, et ne se povoient deffendre ceulx de l’arriere-garde. Et eussent esté tous perduz et destruiz, si n’eust esté le conte d’Anjou frere du Roy, qui depuis fut roy de Sicile, qui les alla rescourre asprement, et les amena à sauveté.

Le jour devant caresme-prenant, je vis une chose que je vueil bien racompter. Car celui jour mourut un tres-vaillant preux et hardy chevalier, qui avoit nom messire Hugues de Landricourt, qui estoit avec moy à banniere, et fut enterré en ma chappelle. Et ainsi que je oyoie messe, six de mes chevaliers estoient là appuiez sur des sacs d’orge qui estoient en madite chappelle, et parloient hault l’un à l’autre, et faisoient ennuy au prestre qui chantoit messe. Et je me levé, et leur allé dire qu’ilz se teussent, et que c’estoit chose villaine à gentils-hommes de parler ainsi hault tandis qu’on chantoit la messe. Et ilz commancerent à rire, et me disdrent qu’ilz parloient ensemble de remarier la femme d’icelui messire Hugues, qui estoit là en biere. Et de ce je les reprins durement, et leur dis que telles paroles n'estoient bonnes ne belles, et qu’ilz avoient trop toust oublié leur compaignon. Or advint-il que le landemain qui

  1. Barbacanne : créneaux, avant-mur, cloison de planches ou de pieux.