Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re série, tome 2.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut la grant bataille, dont j’ai devant parlé, du jour de caresme-prenant. Car on se povoit bien rire de leur follie; et en fist Dieu telle vengeance, que de tous les six n’en eschappa pas ung qu’ilz ne feussent tuez, et non point enterrez : et en la fin a convenu à leurs femmes leur remarier toutes six. Parquoy est à croire que Dieu ne laisse riens impugny de son malfait. Quant est de moy, je n’avois pas pis ne mieulx que les autres; car j’estois navré griefvement, et blecié de ladicte journée de caresme-prenant. Et en oultre ce j’avois le mal des jambes et de la bouche, dont j’ay devant parlé; et la ruyme en la teste, qui me filloit à merveilles par la bouche et par les narilles. Et avecques ce j’avoie une fievre double, qui est fievre quarte, dont Dieu nous gard. Et de ces maladies acousché au lit environ la my-caresme, où je fu longuement. Et si j’estoie bien malade, pareillement l’estoit mon povre prebstre. Car ung jour advint, ainsi qu’il chantoit messe devant moy, moy estant au lit malade, quant il fut à l’endroit de son sacrement, je l’apperceu si tres-malade, que visiblement je le veoie pasmer. Et quant je vy qu’il se vouloit laisser tomber en terre, je me gecté hors de mon lit tout malade comme j’estois, et prins ma cotte, et l’allé embrasser par derriere : et lui dis qu’il fist tout à son aise et en paix, et qu’il prensist courage et fiance en celui qu’il devoit tenir entre ses mains. Et adonc s’en revint ung peu, et ne le lessé jusques ad ce qu’il eust achevé son sacrement : ce qu’il fist. Et aussi acheva-il de celebrer sa messe, et onques puis ne chanta, et mourut. Dieu en ait l’ame.

Pour rentrer en nostre matiere, il fut bien vray