Page:Pierquin - Le Poème anglo-saxon de Beowulf.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celle-ci se retrouve identique, en fait et en droit, avec de nouvelles frontières, plus étendues.

Les villages occupés par les Heardings ou les Modings peuvent bien cesser d’être séparés, mais les divisions plus larges naissant de leur union (Meanwaras, Maegsetan, Hwiccas), leur assurent la persistance des frontières plus reculées : que celles-ci se perdent encore dans un plus grand circuit, elles se retrouveront, enfin, protectrices d’un royaume ayant le marais, la forêt, la montagne contre les Scots et les Bretons, et la mer, contre les invasions des Francs et les pirateries des Frisons.

Mais quelle que soit l’étendue de la Marche, elle n’en demeure pas moins la propriété de la communauté, et chaque membre en possède une part indivise : l’étranger ne peut pas plus la violer, que la terre arable qu’elle défend[1]. La Marche est sous la sauvegarde du droit public, après avoir été longtemps sous la protection des dieux : la Marche est pleine d’embûches et de dangers : la mort attend sous ses ombrages, le visiteur hostile ou imprudent :

eal waes daet maerclond
mordre bewunden,
feôndes fâcne[2].

tout le territoire de la Marche
était environné par la mort,
et d’embûches pour l’ennemi.

Les châtiments les plus effroyables[3] frappaient ceux qui violaient la Marche, et les sacrifices humains qu’ils commandaient, semblaient dus, dans la pensée barbare, aux dieux du sanctuaire profané. Les Marches étaient réputées mau-.

  1. Si un étranger approche d’une forêt de la Marche, il doit sonner du cor et crier : ces préliminaires annonceront que ses intentions sont pacifiques. Mais s’il cherche à se glisser dans la forêt, sans s’être fait reconnaître, il peut être tué, et ses ayants-droit ne pourront poursuivre la vengeance de sa mort, Leg. Ini., §20, 21.
  2. Cod. Vercel. And., v. 38.
  3. Cf. Grimm, Deutsche Rechtsalterthümer, pp. 518, 519, 520.