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avait à y gagner. Sans doute, faut-il y voir aussi, comme dans les migrations flamandes et brabançonnes de l’époque, la conséquence d’une surpopulation.


CHAPITRE II

LA DIVISION DE L’EUROPE

I. – Le Traité de Verdun

À l’unité romaine s’étaient substitués, à l’époque des Invasions, des États indépendants les uns des autres, conquis par des peuples différents et gouvernés par des dynasties appartenant à ces peuples. L’Europe d’alors, au point de vue de la division politique, était beaucoup plus proche de l’Europe des Temps Modernes qu’elle ne le fut longtemps après. Tous ces États – sauf les anglos-saxons et les wisigoths d’Espagne – vinrent se fondre dans la conquête carolingienne et s’absorber dans la grande unité politico-religieuse de l’Empire. C’est sur ses ruines que se constituèrent les États de l’Europe continentale. Mais le processus de leur formation fut cette fois bien différent de ce qu’il avait été à la fin de l’Empire romain. Rien de national n’apparaît dans les partages de la monarchie sous les fils de Louis le Pieux. La question ne se pose pas entre les peuples. Et comment d’ailleurs se serait-elle posée ? Puisque le gouvernement auquel ils étaient soumis avait un caractère universel et ecclésiastique, les partages politiques n’avaient en rien pour conséquence de les subordonner à l’un d’entre eux. Les Carolingiens étaient fongibles ; ils pouvaient gouverner n’importe où, leur nationalité n’importait pas plus que la nationalité du pape importe à l’Église. La différence, très réelle mais dont les peuples n’avaient pas conscience, entre Romains et non Romans, n’a donc joué aucun rôle. La querelle de Lothaire et de ses frères, l’un voulant maintenir l’unité à son profit, les autres voulant le partage, aboutit au compromis de Verdun (843).

C’est le premier des grands traités de l’histoire européenne et celui dont les conséquences ont été les plus durables. Aujourd’hui encore, la trace en reste visible dans l’Europe occidentale, où, entre la France et l’Allemagne, la Hollande, la Belgique, la Suisse et l’Italie représentent la part de Lothaire.