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LIVRE II


L’ÉPOQUE CAROLINGIENNE




CHAPITRE PREMIER

L’ÉGLISE

I. — L’atonie du ve au viie siècle

Pendant ces trois siècles de remous où l’Europe est ballottée entre les Germains, l’Empire et l’Islam, que devient l’Église catholique, la grande force du prochain avenir ? Elle se contente de vivre, ou pour mieux dire, de vivoter. Son action sur la marche des événements est nulle ou presque nulle ; son influence morale sur la société, imperceptible. Pourtant, au milieu des ruines de l’Empire, elle s’est conservée intacte. Elle a sauvegardé son organisation, sa hiérarchie, son incalculable fortune foncière. Et elle n’a pas d’ennemis. Les Germains sont à son égard des fils aussi soumis que les Romains. L’hérésie arienne, on l’a vu, n’a pas duré et d’ailleurs, n’a jamais été inquiétante. L’apathie de l’Église s’explique cependant très simplement. Il en est d’elle, dans une moindre mesure, mais tout de même il en est d’elle, après les invasions, comme de la société tout entière ; elle se barbarise. La littérature latine chrétienne, encore si vivante au ive siècle, le siècle de Saint Augustin, ne présente plus au ve siècle que des épigones du genre de Salvien. Au delà, la vie de la pensée cesse et la veine ouverte par les pères de l’Église est épuisée. Quelques clercs écrivent bien encore des récits biographiques ou historiques, mais il faudra attendre jusqu’à Grégoire le Grand pour voir se ranimer, dans un esprit d’ailleurs tout nouveau, l’étude de la théologie et de la morale religieuse. Plus frappante encore est l’inertie de l’Église en face de ces barbares païens ou grossièrement hérétiques qui viennent de pénétrer dans l’Empire et vivent à ses côtés. S’ils se conver-