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la fin du viie siècle, les routes commerciales que forment, d’un côté, entre la Mer Baltique et la Mer Caspienne, le golfe de Finlande, la Neva, les lacs Ladoga et Onega, puis le cours de la Wolga, et d’un autre côté la Mer Baltique et la Mer Noire, la Duna aboutissant au bassin supérieur du Dniepr, avait commencé à s’animer. Les fouilles ont fait découvrir dans le sol de la Suède plus de 200.000 monnaies arabes et byzantines dont les plus anciennes datent de 698. Il est certain que les Suédois ne tardèrent pas à s’aventurer sur les chemins qui conduisaient vers les pays du soleil et de la fortune. Les Slaves désignaient ces étrangers sous le nom de Rus que leur avaient donné les Finnois, voisins des uns et des autres. Ces Russes scandinaves s’établirent bientôt en assez grand nombre dans les pogostes (marchés) où les marchands arabes ou khazars venaient, à époques fixes, acheter aux habitants leur miel et leurs fourrures. Ils y supplantèrent en assez peu de temps les autres étrangers. Ils dominèrent à ce point sur le cours du Dniepr, que les cascades du fleuve ont durant des siècles conservé les noms suédois qu’ils leur donnèrent. Vers le milieu du ixe siècle, ils s’imposèrent en maîtres à la population voisine des pogostes. D’après la tradition, Rurik aurait fondé Novgorod, et deux de ses compagnons, Askod et Dir, auraient, dès avant 862, pris possession de Kiev, la place de commerce la plus importante de toute la plaine du sud. En 892, le successeur de Rurik, Olaf, s’établit lui-même à Kiev qui commence depuis lors à étendre sa domination politique sur tous les pays voisins. On peut dater de ce moment la naissance d’un État russe, c’est-à-dire suédois, dans le bassin du Dniepr. Les princes et leurs compagnons de commerce et de guerre, vers lesquels affluaient jusqu’au commencement du xie siècle des renforts de la patrie, conservèrent jusque vers cette époque leur langue et leurs mœurs scandinaves[1]. Mais ils devaient finalement se laisser absorber par la population qu’ils gouvernaient et exploitaient, et c’est ainsi que le nom de ces hardis aventuriers du ixe siècle, par une extraordinaire fortune, a passé à travers les vicissitudes de l’histoire au plus grand des peuples slaves et à l’empire le plus étendu qui soit au monde. Par la situation de leur pays, les Norvégiens et les Danois étaient orientés vers

  1. Ce sont ces nouveaux venus qui s’appellent en russe, d’un vieux mot suédois signifiant : « étranger » (vaering). De là les βαϱαγγοι de la garde de Constantinople composée surtout, au début, de Scandinaves.