Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome I.djvu/116

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Alcibiade. — Oh ! assurément, Socrate.

Socrate. — Poèmes qui ont pour sujets des dissentiments sur le juste et l’injuste.

Alcibiade. — C’est vrai.

Socrate. — Les batailles, les morts d’hommes, pour les Achéens et les Troyens, n’ont pas eu d’autre cause, non plus que pour les prétendants de Pénélope et Ulysse.

Alcibiade. — c Tu as raison.

Socrate. — Et c’est encore pour cela, si je ne me trompe, que succombèrent ceux des Athéniens, des Lacédémoniens et des Béotiens qui furent tués à Tanagra, comme plus tard ceux qui périrent à Coronée, au nombre desquels ton père Clinias trouva la mort ; aucun dissentiment, sinon au sujet du juste et de l’injuste, n’a causé ces morts et ces combats. N’est-ce pas exact ?

Alcibiade. — Tout à fait exact.

Socrate. — Alors, pouvons-nous dire que les hommes connaissent des choses sur lesquelles ils sont si âprement en désaccord d qu’en se contredisant mutuellement ils en viennent aux dernières violences ?

Alcibiade. — Non, évidemment.

Socrate. — Voilà pourtant les maîtres auxquels tu rapportes ton savoir, tout en convenant toi-même qu’ils en sont totalement dénués !

Alcibiade. — Cela se pourrait.

Socrate. — Quelle apparence, dès lors, que tu saches ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, quand tu erres sans cesse dans tes réponses et quand il est manifeste que tu ne l’as ni appris de personne ni trouvé par toi-même ?

Alcibiade. — D’après ce que tu dis, cela n’est guère probable.

Socrate. — e Oh ! Alcibiade, combien tu t’exprimes mal ! Ne le vois-tu pas ?

Alcibiade. — En quoi ?

Socrate. — Quand tu prétends que c’est moi qui dis cela.

Alcibiade. — Eh ! N’est-ce pas toi en effet qui dis que j’ignore ce qui est juste ou injuste ?

Socrate. — Non vraiment.

Alcibiade. — C’est donc moi ?