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APOLOGIE DE SOCRATE

Tout au plus peut-on, d’après les usages du temps et deux ou trois passages de l’Apologie de Platon, en conjecturer quelque chose. Mélétos dut présenter surtout un exposé des faits. Il n’avait guère d’autorité pour le rôle de censeur qu’il avait assumé, et Platon affirme que, s’il eût été seul accusateur, il n’aurait pas même obtenu le minimum de voix qui lui était nécessaire pour n’être pas condamné légalement comme calomniateur[1]. Ce furent donc Anytos et Lycon qui emportèrent la condamnation. Anytos y eut certainement la part principale ; il avait du crédit auprès du peuple. Platon associe son nom à celui de Mélétos dans l’Apologie[2], et ce qu’il dit nous donne quelque idée du discours auquel il fait allusion. Anytos paraît avoir surtout insisté sur l’influence pernicieuse que Socrate, selon lui, exerçait sur la jeunesse. Et ce fut lui aussi qui, en raison précisément de cette influence, réclama comme indispensable la peine de mort. L’Apologie nous a gardé le souvenir du dilemme dans lequel il résuma sa pensée : « Ou bien, dit-il, il ne fallait pas intenter ce procès à Socrate, ou bien il faut maintenant, de toute nécessité, le faire mourir[3]. » Évidemment, il développait cette proposition en montrant qu’un acquittement serait pour Socrate un encouragement à persévérer, et qu’il s’en prévaudrait comme d’une sorte de témoignage officiel d’approbation, donné par le peuple lui-même à son enseignement ; que, d’autre part, une amende ne le corrigerait pas ; et qu’enfin l’exil n’empêcherait pas ses amis, ses disciples de continuer son œuvre sous sa direction. Il n’est pas douteux, d’après cela, que la responsabilité de la condamnation capitale qui s’ensuivit ne retombe sur lui surtout. Quant à Lycon, il dut parler en dernier lieu ; l’Apologie ne nous apprend rien de précis sur son rôle ; il est probable qu’il consista surtout à renforcer, par les moyens familiers à la rhétorique du temps, ce qu’avaient dit avant lui Mélétos et Anytos.

  1. Apol., p. 36 a.
  2. Apol., p. 34 b, ὥς φασι Μέλητος καὶ Ἄνυτος. Cf. 28 a, 30 c, et surtout 18 b, qui semble bien indiquer qu’Anytos était réellement le plus redoutable des accusateurs.
  3. Apol., p. 29 c. Cf. 30 b et 31 a.