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NOTICE

Comment Socrate se défendit-il ? C’est ce que nous désirerions le plus savoir et c’est peut-être, en somme, ce que nous savons le moins. Xénophon rapporte le témoignage d’Hermogène, fils d’Hipponicos, qui lui avait dit à lui-même avoir engagé Socrate à préparer ses moyens de défense ; et celui-ci, ajoutait-il, lui répondit qu’il n’avait pas à s’en occuper, puisque toute sa vie était la meilleure justification qu’il pût présenter ; que, d’ailleurs, lorsqu’il avait songé à le faire, son esprit familier s’y était opposé[1]. Il paraît impossible de récuser un témoignage aussi formel et aussi direct, qui, en outre, s’accorde bien avec le caractère de Socrate. Il lui eût répugné d’apporter au tribunal un discours composé à loisir, et c’est aussi ce que Platon lui fait dire, au début de son Apologie[2]. Un tel moyen de défense ne lui aurait pas manqué sans doute, s’il l’eût voulu[3]. Il le jugea indigne de lui[4]. D’ailleurs, s’il avait existé une apologie authentique de Socrate, ses disciples l’auraient conservée, et Platon n’eût pas composé la sienne.

Est-ce à dire que Socrate se laissa condamner sans rien dire ? Non, assurément. S’il tenait peu à la vie, il devait du moins considérer comme un devoir d’éclairer ses juges, de leur épargner une faute grave, si cela était possible, et, en tout cas, de faire pour cela tout ce qui dépendait de lui. « Il eut à cœur, est-il dit dans l’Apologie de Xénophon, de montrer qu’il n’avait manqué ni à la piété envers les dieux ni à la justice envers les hommes[5]. » C’était là, en effet, ce que sa conscience devait exiger de lui. Il dut le faire, selon sa manière habituelle, sur un ton familier, en alléguant des faits, en interrogeant son accusateur principal, Mélétos, en l’obligeant à préciser ses griefs, pour en démontrer l’inanité.

  1. Xénophon, Mémor., IV, c 8, 4. Cf. Xén., Apol., 3, 4.
  2. Platon, Apol., p. 17 b-c.
  3. Lysias, dit-on, lui aurait offert de composer pour lui un discours, que Socrate n’accepta pas (Diog. Laerce, II, 40). Cela n’a rien en soi d’invraisemblable. Mais Diogène ne nomme pas son auteur. Le même fait est rapporté par Cicéron, De orat., I, § 231, qui ne dit pas non plus où il l’avait trouvé.
  4. Xén., Mém., III, 4.
  5. Xén., Apol., 22.