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NOTICE

risé que Criton à lui rappeler ce qu’il devait à ses amis, à sa famille ; nul n’était plus en droit d’insister jusqu’aux limites extrêmes de la discrétion, ni plus capable d’émouvoir son cœur ; mais nul, d’autre part, n’était plus tenu de reconnaître que Socrate, en refusant de se soustraire à la mort, ne faisait que rester fidèle à ses principes, ou, pour mieux dire, à leurs principes communs. Il était le personnage le mieux fait pour donner aux instances des amis de Socrate toute leur force comme aussi pour montrer, par la bonne foi de ses aveux, toute celle des raisons que Socrate leur avait opposées. Ses sentiments naturels, sa nature affectueuse, l’autorité de son caractère offraient d’ailleurs à l’auteur des éléments pathétiques propres à toucher le lecteur, à mêler un intérêt dramatique à l’intérêt philosophique du sujet. Il a su les mettre en œuvre avec un sens délicat de la mesure et de la vérité.



III

LA DOCTRINE DE SOCRATE


Pour décider Socrate, Criton fait valoir d’abord le sentiment public. On ne croira jamais, dit-il, qu’un condamné ait refusé de se dérober à la mort ; tout le monde sera persuadé que ses amis n’ont rien fait pour le sauver ; ceux-ci passeront pour s’être montrés lâches ou indifférents. Puis il insiste sur les devoirs de Socrate envers les siens. Est-il permis à un père d’abandonner ses enfants, lorsqu’il peut se conserver pour eux ?

Ces raisons, Socrate les écarte tout d’abord. Une question préalable s’impose à lui. Est-il jamais permis de manquer à la justice ? Existe-t-il des circonstances qui autorisent un homme à nuire à qui que ce soit ? Question qui ne dépend pas de l’opinion du plus grand nombre. Elle ne relève que de la conscience. Celle de Socrate l’a résolue de tout temps. Non, il n’est jamais permis d’être injuste, personne même n’est en droit de rendre le mal pour le mal. C’est là, pour lui, un principe absolu, contre lequel aucune considération personnelle ne peut prévaloir. Et Criton reconnaît que telle est bien la vérité.