Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/403

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MÉNECHME. C’est pour chercher mon frère jumeau.

MESSÉNION. Eh ! quel sera donc le terme de ces recherches ? Voilà six ans que nous ne faisons pas autre chose. L’Istrie, l’Espagne, Marseille, l’Illyrie, la mer Tyrrhénienne tout entière, la Grèce extérieure, toutes les côtes d’Italie que baigne la mer, nous avons tout parcouru : par ma foi, si vous cherchiez une aiguille, il y a longtemps que vous l’auriez trouvée, si elle y était. Nous sommes en quête d’un mort parmi les vivants ; car s’il respirait, nous aurions déjà mis cent fois la main dessus.

MÉNECHME. Je veux trouver quelqu’un qui me donne une certitude et puisse dire qu’il sait que mon frère est mort. Alors je ne me tourmenterai plus à le chercher. Autrement, je poursuivrai sans relâche mes démarches ; moi seul je sais combien il est cher à mon cœur.

MESSÉNION. Vous cherchez un nœud dans un brin d’osier. Ne vaudrait-il pas mieux retourner d’ici tout droit chez nous, à moins que nous ne songions à écrire une géographie ?

MÉNECHME. Assez de belles paroles, et prends garde à toi. Ne m’importune pas ; je n’irai point à tes flûtes.

MESSÉNION. Ah ! voilà un mot qui me rappelle que je suis esclave : on ne pouvait dire davantage en moins de paroles. Pourtant je ne saurais tenir ma langue. Écoutez, Ménechme : quand je regarde notre bourse, par Hercule, nos ressources ne sont pas lourdes. Si vous ne rentrez chez vous, quand vous n’aurez plus rien, vous gémirez d’avoir cherché votre jumeau, jes gens d’Épidamne sont des libertins et de grands buveurs ; la ville est pleine d’intrigants et de patelins ; les courtisanes, on dit que nulle part elles ne sont aussi séduisantes. C’est pour cela qu’on a appelé cette ville Épidamne : nul n’y séjourne qu’à son dam.

MÉNECHME. J’y prendrai garde : donne-moi seulement la bourse.

MESSÉNION. Qu’en voulez-vous faire ?

MÉNECHME. D’après ce que tu viens de dire, je me méfie de toi.

MESSÉNION. Que craignez-vous ?

MÉNECHME. Que tu nu me fasses trouver mon dam à Epidamne. Tu es grand amateur de beau sexe, Messénion ; moi je suis violent de mon caractère, j’ai la tête assez chaude. Quand je tiendrai l’argent, je m’arrangerai pour que tu ne me fasses pas d’escapade et que je ne me motte pas en colère contre toi.

MESSÉNION. Prenez et gardez, je ne demande pas mieux.