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PRÉFACE.

Souvent en effet il brille d’éclairs inattendus. En outre, variant selon les sujets traités, il se modèle pour ainsi dire sur celui des auteurs avec lesquels notre philosophe est successivement en contact. Si, comme cela a lieu le plus souvent, Plotin essaie d’expliquer quelqu’un des points obscurs du Timée, ou s’il discute les principes abstraits de la Métaphysique[1], il a une diction serrée, sévère, didactique, comme celle d’Aristote, et il semble alors n’avoir pour but que de résumer, avec la plus grande brièveté possible, les arguments qu’il avait développés dans ses leçons. S’il commente quelqu’une des théories exposées d’une façon si brillante par Platon dans le Phèdre, le Phédon ou le Banquet[2], il en reproduit les expressions vives et élégantes et se relâche un peu de sa concision habituelle. Si enfin, s’inspirant des grandes idées de la sagesse orientale sur la divinité, et s’élevant au-dessus de toutes les choses terrestres, il décrit, avec l’enthousiasme d’un prophète absorbé par la méditation ou éclairé d’en haut, la genèse des êtres sensibles et des êtres intelligibles, alors il compose un de ces magnifiques morceaux dont saint Basile ornait ses homélies[3] et dont Synésius transportait les conceptions dans ses hymnes aussi bien que dans ses traités philosophiques[4].

On reconnaîtra enfin, à l’aide des documents réunis dans cet ouvrage, que cette philosophie aujourd’hui si dédaignée a joué en son temps le rôle le plus important, qu’elle a

  1. Voy. le liv. IV de la IIe Ennéade.
  2. Voy. le liv. VI de la Ire Ennéade (du Beau).
  3. Dans un écrit intitulé : Oratio de Spiritu sancto, qui se trouve à la fin du livre V de l’ouvrage Contra Eunomium, saint Basile a inséré littéralement un morceau étendu de Plotin sur l’Âme du monde (Enn. V, liv. I, § 2), se contentant de remplacer le nom d’Âme du monde par celui d’Esprit-Saint.
  4. Voy. le traité de Synésius Sur la Providence, où se trouvent en grande partie reproduites les idées exprimées par Plotin sur le même sujet dans le Ier livre de la IIIe Ennéade. Voy. aussi M. Villemain, Tableau de l’éloquence chrétienne au IVe siècle.