Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/390

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l’opulence et de la grandeur ; un homme qui fut plus puissant que n’étaient bien des rois et bien des tyrans, et de ceux-là même qui transmirent leur pouvoir à leurs fils, et qui cependant n’augmenta pas d’une drachme la fortune que lui avait laissée son père.

Thucydide[1] nous donne une idée nette et précise de la puissance qu’exerça Périclès ; mais les poëtes comiques ne nous la montrent que sous un voile d’expressions malveillantes : ils appellent les amis de Périclès de nouveaux Pisistratides ; ils disent qu’il est temps de lui faire jurer qu’il ne se fera pas souverain absolu, car son excessive autorité pèse d’un trop grand poids sur une démocratie avec laquelle elle est incompatible. Les Athéniens lui ont livré, dit Téléclide[2],

Les revenus de leurs villes, et leurs villes mêmes, pour lier les unes et délier les autres ;
Des murailles de pierre, pour les bâtir et puis les débâtir ensuite ;
Ils ont abandonné à sa discrétion traités, armées, puissance, paix, finances, enfin tout leur bonheur.

Le gouvernement de Périclès ne fut pas un ministère d’occasion, de caprice, de vogue éphémère : Périclès demeura, pendant quarante ans, le premier citoyen de sa patrie, alors qu’existaient des Éphialte, des Léocrate, des Myronide, des Cimon, des Tolmide, des Thucydide. Après que Thucydide eut été banni par l’ostracisme, et que son parti eut été dissous, Périclès conserva encore toute sa supériorité pendant quinze années ; et, tandis que les autres généraux n’étaient qu’annuels, il garda sans interruption le commandement et le pouvoir, et toujours il resta invincible à l’appât de l’argent. Ce n’était pas cependant qu’il ne voulut en aucune façon s’occuper d’affaires pécuniaires : non, car son patrimoine, ses pro-

  1. Dans le livre deuxième de son histoire.
  2. poëte de l’ancienne comédie.