Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/398

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tiens, parce qu’ayant capturé un vaisseau athénien, ils avaient égorgé tous ceux qui le montaient.

Après cela[1], une trêve de trente ans fut conclue entre Athènes et Lacédémone ; et Périclès fit décréter l’expédition navale contre Samos, sous prétexte que les habitants de cette île, ayant reçu d’Athènes l’ordre de cesser leurs hostilités contre Milet, n’avaient pas obéi. Comme il paraît n’avoir été poussé, dans l’affaire de Samos, que par le désir de plaire à Aspasie, il est à propos de rechercher quel art, quelle puissance de séduction cette femme avait en elle, pour enlacer dans ses filets le plus grand homme d’État de son époque, et pour que les philosophes aient pu parler d’elle en termes si honorables et si pompeux.

Tout le monde s’accorde à dire qu’elle était de Milet, et fille d’Axiochus. On dit aussi qu’elle s’attaqua aux personnages les plus puissants, parce qu’elle avait pris pour modèle une des anciennes courtisanes d’Ionie, nommée Thargélia. Cette Thargélia, belle femme, et douée de toutes les grâces du corps et de l’esprit, avait été liée avec un grand nombre de Grecs : elle avait gagné au roi de Perse tous ceux qui la fréquentaient, et, par eux, elle avait répandu dans les villes des germes d’esprit médique ; car elle ne choisissait pour amants que ce qu’il y avait, dans chaque ville, d’hommes considérés et puissants. Quant à Aspasie, on dit que Périclès la rechercha comme une femme d’esprit, et qui avait l’intelligence des choses politiques. Socrate allait souvent chez elle avec ses amis ; et ceux qui la fréquentaient y conduisaient même leurs femmes, pour qu’elles entendissent sa conversation, quoique sa vie ne fut certainement point un modèle de décence et d’honnêteté, puisqu’elle nourrissait des jeunes filles, qui se donnaient au premier venu. Eschine dit que Lysiclès[2], le marchand de moutons, homme grossier

  1. Ce ne fut que cinq ans plus tard.
  2. Il ne faut pas confondre ce Lysiclès avec le général du même nom, qui, dans le siècle suivant, fut vaincu à Chéronée, et que les Athéniens condamnèrent à mort, sur l’accusation de l’orateur Lycurgue.