Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/84

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n’avaient voulu voir dans leurs meubles ni argent ni or.

Après qu’il eut réglé avec sagesse les affaires de la Macédoine, il prit congé des Grecs, et exhorta les Macédoniens à se souvenir que c’était aux Romains qu’ils devaient la liberté, et qu’ils avaient à la conserver par l’obéissance aux lois, et par leur union entre eux. Il partit ensuite pour l’Épire, avec un ordre du Sénat de livrer aux soldats qui avaient fait avec lui la guerre contre Persée, le pillage des villes de ce pays. Pour les surprendre toutes à la fois et sans qu’on pût soupçonner son dessein, il fait venir dix des principaux citoyens de chaque ville, et leur enjoint d’apporter, à jour marqué, tout l’or et tout l’argent qu’ils avaient dans leurs maisons et dans leurs temples. Il les renvoie chacun avec un détachement de troupes et un centurion, sous prétexte de cet or à chercher et à ramasser, et comme des aides qu’il leur donnait. Le jour venu, ces soldats, en un seul et même instant, prennent leur élan à travers les villes, pillent et enlèvent tout. Il ne fallut qu’une heure pour réduire en servitude cent cinquante mille hommes, et saccager soixante et dix villes. Et pourtant ce pillage affreux, cette impitoyable destruction ne produisirent pas plus d’onze drachmes[1] pour la part de chaque soldat. L’univers frémit d’horreur de l’issue de cette guerre, où l’on avait tiré de la ruine de toute une nation, un butin si modique à répartir, et un si faible gain.

Paul Émile, après cette expédition, qui répugnait à la douceur et à l’humanité de son caractère, descendit à la ville d’Oricum. C’est là qu’il s’embarqua pour l’Italie avec son armée. Il remonta le Tibre sur la galère royale à seize bancs de rameurs, décorée des armes captives, de riches étoffes et de vêtements de pourpre.

  1. Environ dix francs de notre monnaie.