Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/85

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Les Romains étaient sortis en foule au-devant de lui, et accompagnaient du rivage le navire, qui voguait lentement ; on eût dit un cortège triomphal, et comme un avant-goût des fêtes qui se préparaient. Mais les soldats, qui avaient jeté un coup d’œil d’envie sur les trésors du roi, et qui n’y avaient pas eu toute la part qu’ils avaient espérée, nourrissaient, depuis ce désappointement, un secret ressentiment contre Paul Émile ; ils laissèrent éclater à la fin leur malveillance : ils l’accusaient d’avoir eu un commandement dur et despotique, et se montraient peu disposés à favoriser ses prétentions aux honneurs du triomphe. Servius Galba, ennemi personnel de Paul Émile, sous qui il avait servi en qualité de tribun des soldats, profita de cette disposition des troupes, pour se hasarder publiquement à dire qu’il ne fallait pas accorder le triomphe. Il lança, au milieu de cette soldatesque, mille calomnies contre le général ; il aigrit le mécontentement qui fermentait déjà ; puis, il demanda aux tribuns du peuple de remettre l’assemblée à un autre jour, alléguant qu’il n’aurait pas assez de temps pour développer l’accusation, bien qu’il lui restât encore quatre heures. Les tribuns lui ordonnèrent de proposer sur-le-champ ce qu’il avait à dire ; et il se mit à faire un long discours tout plein d’injures et de calomnies, qui consuma le reste de la journée. Quand la nuit fut venue, les tribuns renvoyèrent l’assemblée. Alors les soldats, devenus plus audacieux, s’attroupent autour de Galba, et font une ligue entre eux : dès le grand matin, ils envahissent, comme la veille, le lieu de l’assemblée. C’était le Capitole que les tribuns avaient désigné. Au point du jour, on prit les suffrages, et la première tribu rejeta la proposition du triomphe. Le peuple et le Sénat, en apprenant cette nouvelle, s’indignèrent de l’affront qu’on faisait à Paul Émile ; mais, tandis que