Page:Poe - Derniers Contes.djvu/104

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troduite auprès de M. Blackwood, je lui fis connaître les désirs de la société ; il me reçut avec une grande civilité, me fit entrer dans son cabinet, et m’exposa clairement tout le procédé.

« Ma chère dame, » dit-il, évidemment frappé par mon extérieur majestueux, car j’avais ma toilette de satin cramoisi, avec les agrafes vertes, et les oreillettes couleur orange. « Ma chère dame, asseyez-vous. Voici comment il faut s’y prendre. En premier lieu, votre écrivain d’articles à sensation doit avoir de l’encre très noire, et une plume très grosse avec un bec bien émoussé. Et, remarquez bien, miss Psyché Zénobia ! » continua-t-il, après une pause, avec une énergie et une solennité de ton fort impressives, « remarquez bien ! — cette plume — ne doit — jamais être taillée ! Là, madame, est tout le secret, l’âme de l’article à sensation. J’oserai vous affirmer que jamais un individu, de quelque génie qu’il fût doué, n’a écrit avec une bonne plume — comprenez-moi bien — un bon article. Vous pouvez être sûre, qu’un manuscrit lisible n’est jamais digne d’être lu. C’est là un des principaux