Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/103

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3. La géométrie et l’astronomie. — On a également posé la question d’une autre manière. Si la géométrie de Lobatchevsky est vraie, la parallaxe d’une étoile très éloignée sera finie ; si celle de Riemann est vraie, elle sera négative. Ce sont là des résultats qui semblent accessibles à l’expérience et on a espéré que les observations astronomiques pourraient permettre de décider entre les trois géométries.

Mais ce qu’on appelle ligne droite en astronomie, c’est simplement la trajectoire du rayon lumineux. Si donc, par impossible, on venait à découvrir des parallaxes négatives, ou à démontrer que toutes les parallaxes sont supérieures à une certaine limite, on aurait le choix entre deux conclusions : nous pourrions renoncer à la géométrie euclidienne ou bien modifier les lois de l’optique et admettre que la lumière ne se propage pas rigoureusement en ligne droite.

Inutile d’ajouter que tout le monde regarderait cette solution comme plus avantageuse.

La géométrie euclidienne n’a donc rien à craindre d’expériences nouvelles.

4. Peut-on soutenir que certains phénomènes, possibles dans l’espace euclidien, seraient impossibles dans l’espace non euclidien, de sorte que l’expérience, en constatant ces phénomènes, contredirait directement l’hypothèse non euclidienne ? Pour moi, une pareille question ne peut se poser. À mon sens elle équivaut tout à fait à la suivante, dont l’absurdité saute aux yeux de tous : y a-t-il